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« Bob le Chien » marque son territoire

Chien_JauneDans un arrêt récent du 09 avril 2015, la première Chambre civile de la Cour de cassation a confirmé qu’il y avait contrefaçon d’une œuvre artistique sur le fondement du droit d’auteur lorsqu’il y avait un reflet de « la combinaison des caractéristiques propres à l’œuvre originale » sur l’œuvre incriminée. La même Cour a également accepté de condamner les artistes contrefacteurs pour des actes de parasitisme du fait d’avoir baptiser leur sculpture d’un nom évoquant l’originale.

C’est en 1988, qu’un artiste crée une sculpture dénommée « Bob le Chien » ou « Lost Dog » représentant un bull-terrier assis avec des détails précis (gabarit musclé, pattes avant tendues, regard horizontal, bouche fermée etc.…). Cette sculpture, fort de son succès, sera ensuite déclinée en de nombreuses variantes mais toujours avec les mêmes caractéristiques (même posture, même expression…). Cependant l’artiste s’aperçoit que certains de ses confrères adeptes du Pop’art ont décidé de s’inspirer un peu trop de son œuvre et celui-ci saisi donc la justice.

L’enjeu de cette affaire était tout d’abord de démontrer que la sculpture d’une chose banale, en l’occurrence un chien, pouvait se voir accorder une protection par le droit d’auteur du fait de son originalité, et ensuite de montrer que l’utilisation d’un nom semblable pouvait être considérée comme un acte distinct de la contrefaçon et ainsi sanctionnable au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Concernant la première question, la Cour de cassation a validé la décision de la Cour d’appel et son interprétation de l’œuvre. En effet il a été estimé que la sculpture Bob le Chien, du fait de ses nombreuses particularités qui sont strictement listées par la Cour, comportait bien « une esthétique portant l’empreinte de la personnalité de celui-ci (l’auteur) ».L’œuvre était donc bien protégeable par le droit d’auteur conformément à l’article L-112-1 du Code de la propriété intellectuelle. La Cour s’appuie sur ce fondement pour condamner les auteurs des sculptures ressemblantes du fait que la représentation « portait sur la combinaison des caractéristiques propres a l’œuvre originale (…) en dépit de quelques variantes d’exécution ».

Il est donc admis qu’une Cour de justice puisse interpréter une œuvre pour en dégager les éléments qu’elle estime propre à la « patte » de l’auteur et ainsi les comparer par rapport a une création semblable pour voir s’il y a ou non contrefaçon.

Concernant la deuxième problématique, la Cour devait trancher sur le fait de savoir si l’utilisation du nom « Jack le Chien » pour l’œuvre contrefaisant la sculpture « Bob le Chien » pouvait être caractéristique d’actes de parasitisme et ainsi engager la responsabilité civile de leur auteurs sous l’article 1382 (nouvel article 1240 du code civil). La Cour d’appel de Paris avait estimé que « l’œuvre contrefaisante employant un prénom masculin à consonance anglo-saxonne d’une seule syllabe (…) avait placé l’œuvre dans le sillage des créations de Mr X. connu pour s’inscrire dans ce courant artistique (Pop’art) depuis plus de vingt ans ». La Cour de cassation confirme également dans cet arrêt cette analyse prenant en compte la ressemblance étymologique des noms d’œuvre et la notoriété de l’auteur contrefait. Il faut également souligner que la Cour de cassation réaffirme la nécessité de distinguer des actes distincts des actes de contrefaçon afin d’invoquer le parasitisme conformément à une jurisprudence affirmée (voir Civ 1ere, 19 octobre 2004).

Ainsi, bien que l’arrêt de la Cour d’appel soit cassé pour un motif autre que ceux développés ci-dessus, la Cour de cassation a confirmé l’analyse de sa petite-sœur en acceptant la caractérisation d’actes de contrefaçon par la reprise des élément propres d’un auteur d’une œuvre et d ‘actes de parasitisme par l’utilisation d’un nom invoquant l’original et profitant ainsi de la notoriété d’un artiste.

Ainsi, cette décision juste de la Cour de cassation pourrais se résumer en une citation du philosophe José Ortega y Gasset : « En art, toute répétition est nulle ».

Brigitte Spiegeler et Jimmy Coupé