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Agents de joueurs : Le choix de la dérèglementation totale du marché par la Fifa

geld_sportA l’heure où le sport est devenu un véritable business, nombreux sont ceux qui ont fait de cette activité leur profession. Si depuis plusieurs années la plupart des sportifs de haut niveau ont un statut de professionnel, de nombreuses activités en relation avec le sport reste parfois exercées de manière occulte. L’une de ces professions est rarement encadrée par les législations nationales et pourtant elle se retrouve souvent au devant de la scène du fait de l’importance de l’aspect financier. Il s’agit de la profession d’agent sportif.

Les agents sportifs ont pour rôle de mettre en rapport des parties (en l’occurrence un joueur et un club) intéressées par la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive. L’agent prélèvera une commission sur le montant du contrat conclu. Juridiquement, l’agent sportif agit au nom et pour le compte d’une seule des parties au contrat (sportif ou entraineur) via le mécanisme du contrat de mandat.

Paradoxalement, bien que tant des intérêts financiers considérables (400 millions € de commissions en Europe) que humains (encadrement de jeunes joueurs) soient en jeu, la profession n’a fait l’objet que de très peu de réglementations. Certaines fédérations internationales ou nationales prévoient cependant des dispositions en la matière telles la Fédération Internationale de Basketball (FIBA), l ‘International Rugby Board (IRB) et jusqu’à très récemment la Fédération International de Football Association (FIFA).

Actuellement, le mercato d’été bat son plein et les transferts colossaux se succèdent, il sera donc intéressant d’étudier le cas particulier du statut des agents sportif dans le milieu du football et notamment la nouvelle (dé)règlementation prévue par la FIFA ainsi que l’exception française qui s’oppose à ces mesures.

Avec l’adoption de la circulaire 1417, entrée en vigueur le 1er avril dernier, la FIFA a décidé de modifier le statut des agents de joueurs. Partant du constat que les transferts de sportifs par des personnes n’ayant aucune licence ou autorisation préalable requise par les autorités (soit environ 70% des transferts selon la FIFA) se sont multipliés, la Fédération internationale a décidé de libéraliser totalement le marché en créant le statut d’ « intermédiaire ». Concrètement, toute personne peut désormais opérer un transfert et percevoir une commission s’il met en rapport un footballeur ou entraineur avec un club. C’est donc la logique de dérégulation totale qui a été choisi au détriment d’une politique de réglementation plus stricte avec des sanctions potentielles prévisibles.

A vrai dire ce choix opéré n’est rien d’autres qu’un retour aux sources pour la profession d’agent de joueurs. En effet cette profession s’est en quelque sorte « auto-créée » dans les années 1990 en raison de la starification des footballeurs générant des flux financiers importants. Ainsi, des gestionnaires (à l’instar des impresarios dans le monde artistique) ont pris soin de s’occuper de leur choix de carrière. La FIFA, par diverses décisions, avait alors décidé d’encadrer cette activité en imposant un enregistrement préalable des agents auprès des fédérations nationales (règlement de 2001).

En réalité, la mise en œuvre de la nouvelle circulaire et des réformes qu’elle entraine ne créée de difficultés que dans les Etats ayant inséré dans leur droit interne des dispositions plus strictes que les anciennes mesures FIFA.

C’est le cas notamment pour la France qui a, depuis 1984, encadré le métier d’agent sportif dont l’exercice est soumis aux dispositions des articles L222-5 à L222-22 du Code du sport.

Ces articles imposent aux potentiels agents sportifs de l’Hexagone (tous sports confondus) de passer un examen auprès de la fédération nationale compétente. En particulier, l’École des Agents de Joueurs de Football– EAJF prépare à ce test via l’organisation de cours de droit, de gestion, de management et des séminaires avec des professionnels du football. La réussite à ce concours permet la délivrance d’une licence et ainsi la possibilité de rapprocher des sportifs de potentiels clubs recruteurs.

Cette législation qui encadre strictement la profession s’oppose ainsi à la nouvelle politique de la FIFA.

Evidemment il y a une importante part de subjectivité sur la façon d’appréhender le football et le sport plus généralement et ainsi il est difficile de trancher sur la meilleure méthode à adopter. Les partisans du régime FIFA se réjouiront de la consécration de la liberté de commerce et de l’autorégulation par le jeu de la concurrence, a contrario les pro-régime français se lèveront contre un système qualifié de « jungle » qui donne la suprématie à l’argent et aux intérêts commerciaux sur l’intérêt des joueurs (surtout pour les jeunes espoirs perdus face à tous les intermédiaires leur promettant monts et merveilles).

 

Pour conclure :

-Pour la FIFA, le régime est fraichement applicable et régie en ce moment même l’ensemble des transferts d’été. Il est encore trop tôt pour conclure sur les effets tant bénéfiques que néfastes de cette politique mais il est très incertain que ce régime perdure notamment si l’Union européenne sous la pression des Etats décidait de légiférer.

-Pour la France, il convient de noter qu’une circulaire d’une fédération sportive internationale ne saurait remettre en cause une loi nationale. Cependant des contentieux portés devant les juridictions européennes en raison de l’entrave faite à la liberté de commerce au sein de l’Union sont fortement envisageables.

De plus, la coexistence d’un régime protecteur français au coté de l’ultra libéralité internationale peut avoir paradoxalement pour effet de nuire à la France. Les clubs et joueurs de la Ligue 1 doivent, contrairement à d’autre ligue nationales, se confronter aux règles du protectionnisme français. Ensuite, les agents français eux- mêmes, qui en dépit de leur licence, vont devoir faire face à une concurrence importante, n’importe qui dans les autres pays étant désormais susceptible d’être un agent.

Pour le moment la FIFA est très occupé avec les importants soupçons de corruption envers plusieurs de ses membres et notamment envers son très controversé Président Sepp Blatter mais nul doute que cette réforme sera suivie de prêt par l’Institution mondiale du Football.

Jimmy Coupé