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Olympe de Gouges : le féminisme révolutionnaire

A travers l’histoire, les femmes ont trop souvent eu le second rôle. Par exemple, les femmes artistes sont notablement sous-représentées dans les musées, et l’apport des femmes philosophes n’a fait l’objet d’études approfondies que tardivement en comparaison à leurs homologues masculins. A l’occasion de la Journée internationale de la femme, il est bon de se pencher sur une figure féminine importante de l’histoire : Olympe de Gouges. Avec Mary Wollstonecraft, elle était l’une des principales féministes à l’époque de la Révolution française.

Fille d’un boucher et d’une servante, Marie Gouze a épousé contre son gré, à l’âge de 16 ans, Louis-Yves Aubry alors beaucoup plus âgé qu’elle. Lorsqu’il meurt peu après la naissance de leur premier enfant, elle refuse de porter le nom de son mari. Elle décide alors de ne plus jamais se marier et change son nom en Olympe de Gouges. Lors de son arrivée à Paris, elle se présente comme la descendante de l’écrivain Jean-Jacques Lefranc, marquis de Pompignan. En effet, sa mère avait eu de nombreux contacts avec le marquis et devait même l’épouser. Pour autant, dès lors qu’elle n’était pas issue d’une famille noble, la famille de Lefranc ne considérait pas cette dernière comme une candidate convenable. Dès son arrivée dans la capitale, Olympe de Gouges s’appuyait néanmoins sur ces rumeurs afin de fréquenter l’élite parisienne.

Bien que n’ayant pas obtenu une éducation complète durant son enfance, Olympe de Gouges aspirait à une carrière d’écrivain. Elle a finalement écrit plusieurs pièces de théâtre, dont la pièce l’Esclavage des Noirs en 1785. Cette pièce défend explicitement l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises. Cette position lui a attiré les foudres de la haute société de l’époque, très liées aux pratiques esclavagistes, qui a contribué à la censure de sa pièce. Malgré les réticences publiques quant à ses nouvelles activités, Olympe de Gouges de continué d’écrire. Outre les pièces de théâtre, elle a également écrit divers pamphlets politiques. Afin de lui permettre d’écrire, Jacques Bietrix de Rozieres finançait sa vie parisienne. Malgré leur proximité importante, ceux-ci ne se sont jamais mariés. Sur ce point, Olympe de Gouges a effectivement écrit plus tard dans son œuvre la plus célèbre, la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne que « le mariage est le tombeau de la confiance et de l’amour ».

Cette Déclaration des droits de la Femme et de la Citoyenne a été considérée comme une œuvre féministe majeure. Bien entendu, l’emprunt à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est patent, notamment afin d’y ajouter certaines dispositions relatives à l’égalité entre les sexes.

D’un point de vue juridique, il pourrait être intéressant de s’interroger sur l’application du Droit d’auteur à cet essai. Il convient de rappeler que dès lors qu’il s’agit d’un texte purement juridique, celui-ci n’est pas protégé par le Droit d’auteur. Néanmoins, à titre expérimental, si ce texte avait été protégé par les dispositions légales actuelles, Olympe de Gouges aurait-elle violé les droits d’auteur attachés à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ? La loi sur le Droit d’auteur précise que la publication d’une œuvre dans le contexte d’une parodie, d’une caricature ou d’un pastiche est autorisée, à condition qu’elle soit raisonnablement permise par les règles de la société. Dans une parodie, (une partie) d’une œuvre particulière est imitée, avec quelques différences qui font de l’humour ou de la moquerie. La Cour de justice de l’Union européenne a jugé que l’exception de parodie devait trouver un équilibre entre le Droit d’auteur du titulaire du droit, d’une part, et la liberté d’expression, d’autre part.

Ainsi, et du point de vue expérimental retenu, cette œuvre de De Gouges pourrait donc être qualifiée de parodie dès lors que l’autrice semble se moquer des hommes invoquant le bénéfice des droits des citoyens pour tous, tout en ignorant sciemment que ces droits ne s’appliquent pas aux femmes. Par son œuvre, Olympe de Gouge a tendu un miroir à la société. Même si cette œuvre ne devait être publiée qu’aujourd’hui, celle-ci serait une manifestation essentielle de la liberté d’expression et serait sans nul doute considérée comme une œuvre sociale majeure.

Les idées, à l’époque très novatrices, d’Olympe de Gouges sur les droits des femmes et l’abolition de l’esclavage ont contribué à son impopularité en son temps. À cela s’étaient ajoutées ses idées sur la nouvelle république, qui n’avait pas encore été fondée. En effet, bien qu’Olympe de Gouges fût favorable l’instauration d’une république, elle militait contre l’exécution du roi. Cette dernière estimait en effet que Louis XVI avait échoué en tant que roi, mais qu’il ne saurait être puni en tant qu’homme pour les erreurs commises en tant que monarque. Également, elle estimait qu’une telle exécution nuirait à l’instauration d’une république. Il est tragique de constater que ce point de vue a finalement contribué à sa propre exécution.

Les idées révolutionnaires portées par Olympe de Gouges sont au cœur de nombreux mouvements d’émancipation féminins qui ont eu lieu au cours de l’histoire. Pensez aux suffragettes, aux Dolle Minas, au mouvement plus récent #Metoo, ainsi qu’à la situation en Iran. Il est notable que de nombreuses figures de ces mouvements se réclament ouvertement de la philosophie d’Olympe de Gouges. Qu’en penserait-elle, si elle savait aujourd’hui que sa ténacité inspire toujours des femmes à se battre pour leurs droits en 2023 ?

L’équipe Heffels Spiegeler Advocaten