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Proposition de loi n°1630 visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur

Le 12 septembre 2023, en France, une proposition de loi visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur a été déposée à l’Assemblée nationale par huit députés[1].

Plus précisément, la proposition vise à encadrer la création et l’exploitation d’œuvres d’art générées par des systèmes d’intelligence artificielle (IA) en modifiant le Code de la propriété intellectuelle pour que les droits des artistes et auteurs soient davantage protégés.

La proposition de loi comprend quatre articles :

  • L’article 1 propose d’ajoute un alinéa à l’article L 131-3 du code de la propriété intellectuelle (CPI) : « L’intégration par un logiciel d’intelligence artificielle d’œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur dans son système et a fortiori leur exploitation est soumise aux dispositions générales du présent code et donc à autorisation des auteurs ou ayants droit. »
  • L’article 2 propose de compléter l’article L 321-2 du CPI par les dispositions suivantes : « Lorsque l’œuvre est créée par une intelligence artificielle sans intervention humaine directe, les seuls titulaires des droits sont les auteurs ou ayants droit des œuvres qui ont permis de concevoir ladite œuvre artificielle » et de confier la gestion collective des droits sur les œuvres générées par l’intelligence artificielle à des sociétés d’auteurs ou d’autres organismes de gestion collective.
  • L’article 3 propose d’ajouter un alinéa à l’article L 121-2 du CPI imposant l’apposition de la mention « œuvre générée par IA » ainsi que le nom de l’auteur ayant permis la réalisation de l’œuvre.
  • L’article 4 propose enfin de compléter l’article L 121-2 du CPI avec la création d’une taxation des œuvres générées par des systèmes d’IA à partir d’œuvres dont l’origine ne peut être déterminée. Cette taxation serait imposée à la société exploitant le système d’IA ayant permis de créer l’œuvre et son montant serait fixé par décret.

Cette proposition accorde une place importante aux organismes de gestion collective concernant d’une part, la gestion des droits sur les œuvres générées par un système d’IA et d’autre part, la gestion de la taxation proposée par l’article 4. Il faut également souligner l’obligation d’étiqueter les œuvres générées par un système d’IA, en accord avec les dispositions du projet de règlement sur l’IA (ou IA Act) du Parlement européen adopté le 14 juin 2023[2].

Dans un contexte où la protection par le droit d’auteur d’une œuvre d’art créée par un système d’IA se voit reconnaitre une place grandissante (avec notamment une première décision rendue par le tribunal chinois Beijing Internet Court en date du 27 novembre 2023[3]), l’initiative des députés français apparait opportune.

Cependant, cette proposition pourrait se heurter à des difficultés de mise en œuvre. En effet, les dispositions de cette proposition sont techniquement compliquées à appliquer en raison de la difficulté d’identifier l’information de départ ayant permis la réalisation de l’œuvre ou la proportion d’une œuvre originale présente dans le résultat final. De plus, si cette proposition était adoptée, elle poserait le problème de la conformité au droit de l’Union européenne et de l’illisibilité des législations des États membres. Car si chaque Etat adoptait sa propre proposition de loi, des positions diverses voire opposées pourraient être appliquées. Une telle hypothèse irait à l’encontre de l’uniformité et de la cohérence des règles prônées par l’Union européenne.

Et ce, d’autant plus que le 8 décembre 2023, les députés du Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire[4] sur le règlement sur l’intelligence artificielle (IA Act) précédemment évoqué[5]. Ce règlement vise ainsi à garantir les droits fondamentaux, la démocratie, l’Etat de droit et la durabilité environnementale en les protégeant contre les risques liés à l’IA tout en encourageant l’innovation. La proposition de loi française, qui porte sur les thèmes couverts par le règlement européen, ne saurait contenir des dispositions contraires à ce règlement, encore en cours d’élaboration.

En tout état de cause, la proposition est encore loin d’être adoptée et est susceptible d’évoluer fortement au cours du dialogue parlementaire auquel elle est soumise.

Léa Naud

 

[1] Proposition de loi n° 1630 visant à encadrer l’intelligence artificielle par le droit d’auteur : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1630_proposition-loi.

[2] COM(2021) 206 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:52021PC0206.

[3] Beijing Internet Court, Li Yunkai v. Liu Yuanchun, 27 nov. 2023, Beijing 0491 Republic of China No. 11279.

[4] https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20231206IPR15699/loi-sur-l-intelligence-artificielle-accord-sur-des-regles-globales.

[5] V. supra.