Voilà une actualité juridique que Wolters Kluwer se serait bien gardé de publier. Et pour cause, leurs techniques d’optimisation fiscale viennent de subir une sévère défaite face aux droits du travail français.
En 2007, le groupe de presse et d’édition néerlandais Wolters Kluwer décide de fusionner les 11 sociétés du groupe, dont Lamy et Groupe Liaisons, en une seule et même entité, cette opération est dite « opération COSMOS ». Dans le cadre de cette restructuration, la filiale Wolters Kluwer France (WKF) emprunte 445 millions d’euros sur quinze ans à la maison-mère Wolters Kluwer (HWKF) à un taux supérieur à celui du marché.
L’endettement important de WKF a alors pour effet d’empêcher tout versement de participation aux salariés dont le taux était auparavant d’environ 5 millions d’euros par an. La maison mère aux Pays-Bas, grâce à cette optimisation fiscale, a ainsi pu générer 555 millions d’euros de dividendes par an.
En application des articles L.3322-1 et L.3322-2 du code du travail français, les salariés bénéficient d’un droit de participation obligatoire aux résultats de l’entreprise sous réserve que l’effectif de l’entreprise soit d’au moins 50 salariés. Le calcul de la participation s’appuie sur le montant du bénéfice net et des capitaux propres de l’entreprise.
Le Comité d’Entreprise (CE) de WFK a, à plusieurs reprises, tenté de comprendre pourquoi les salariés ne bénéficiaient plus d’une participation. Lors de la fusion, ils avaient interrogé la responsable des relations sociales de la société WFK qui leur avait assuré que l’opération COSMOS n’aurait aucune conséquence sociale. De plus, la société WFK n’a pas souhaité communiquer des éléments comptables, obligatoires, prouvant notamment l’existence d’un emprunt grevant le bénéfice de la société. Tout cela a contribué au maintien du CE et des salariés dans l’ignorance concernant les effets de la fusion sur leur droit à participation. Différents syndicats ont alors intenté une action en justice contre la société WFK afin que l’opération COSMOS ne soit pas opposable aux salariés et que ceux-ci puissent percevoir leur participation.
C’est donc à juste titre que la Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 2 février 2016, a fait droit à la demande des syndicats aux motifs que « Les sociétés WKF et HWKF, par des manœuvres frauduleuses, constituées à la fois par la non communication au CE des documents comptables légalement obligatoires et par un discours trompeur auprès du CE, ont sciemment dissimulé au CE de la société WFK une des conséquences importantes de l’opération de restructuration COSMOS, à savoir l’augmentation importante de l’endettement de la société WFK ayant pour effet direct l’absence de réserve spéciale de participation et donc du versement de cette participation aux salariés, avant et après l’opération intervenue en juin 2007 ».
L’opération COSMOS n’étant plus opposable aux salariés, les sociétés WFK et HWKF ont été condamnées à reconstituer la réserve spéciale de participation pour les exercices allant de 2007 à 2016.
Une question reste en suspens, la Cour d’appel, a-t-elle voulu sanctionner le manquement aux obligations découlant du droit travail ? Ou s’agit-il d’une sanction à l’encontre des dispositifs d’optimisation fiscale ? Seul l’avenir nous le dira !
Aurélie Costa