Comment distinguer l’hommage du simple plagiat ? La distinction entre les deux est assez mince, mais peut avoir de conséquences juridiques assez importantes pour celui qui s’y aventure.
Le plagiat a pourtant pendant longtemps été considéré comme une activité valorisante, voire pédagogique. En effet, au XVIIe siècle, la copie de tableaux de maitres était le meilleur moyen d’apprendre la technique pour les apprentis artistes mais aussi de faire connaitre l’oeuvre au plus grand nombre. Les copies les mieux réalisées bénéficiaient parfois d’une renommée aussi grande que l’original, et pouvaient se rendre jusqu’à près de la moitié du prix de ce dernier[1]. C’est l’époque romantique, mettant en avant le génie créateur de l’individu, qui va bouleverser la notion et favoriser l’apparition d’une conception plus péjorative.
Le plagiat n’est certes pas aujourd’hui condamnable en tant que tel. L’emprunt dans le cadre de la parodie ou même comme part essentielle du processus artistique et créatif reste totalement légitime et autorisé. Constitue une infraction pénale toutefois le plagiat sous le terme de contrefaçon lorsque l’oeuvre est reprise sans plus value artistique ou quelconque originalité, lorsque la distinction est trop juste pour éviter tout risque de confusion. Cette notion de contrefaçon est pénalement répressible, sous la libre appréciation du juge, qui base son opinion sur plusieurs éléments : la distinction entre la forme et le fond, le caractère intentionnel de l’emprunt, l’importance de l’emprunt vis à vis de l’oeuvre finale …
Céline Delavaux et Marie-Hélène Vignes, dans leur ouvrage « Les Procès de l’Art« , rapportent dans un passage en particulier le combat des ayants-droit d’artistes renommés face à l’utilisation parfois très libre voire provocante, des oeuvres de ces derniers[2].
L’artiste René Magritte en particulier semble souffrir de son succès et ses oeuvres font l’objet de nombreux détournements, de façon constante poursuivis par la veuve de l’artiste, Georgette Berger.
Un tableau du maitre de 1934, intitulé « Le Viol« , a été par exemple repris par les Rolling Stones, qui s’en sont largement « inspiré » pour créer la pochette du 45-tours d’Angie dans les années 1970.
Certaines affaires toutefois dépassent parfois l’hommage artistique et la simple inspiration. C’est le cas de l’artiste danois Ole Ahlberg, qui ne s’est nullement découragé face aux poursuites des ayants-droits de Magritte à l’encontre de son tableau « La reproduction interdite« [3]. Son tableau combine des éléments de l’oeuvre de Magritte mais aussi d’Hergé, dans une démarche soit-disant de parodie.
Nous pouvons définir la parodie comme une forme d’art et d’humour utilisant le cadre, les personnages, le style et le fonctionnement d’une oeuvre pour s’en moquer. Le droit de la propriété intellectuelle s’arrange en matière de droits d’auteur en effet de certaines exeptions, en particulier la parodie, du fait de la nature même de ce genre. Ahlberg a ainsi au contraire formulé une contre-demande en dommages et intérêts au motif qu’il subissait une entrave démesurée de son activité artistique. En effet, il considérait que les actions des ayants droits à son encontre, à savoir le contact des galeries d’art leur intimant de ne pas exposer Ahlberg, étaient injustifiées, ce à quoi la Cour d’appel de Bruxelles a répondu positivement, obligeant les ayants-droits de Magritte à s’abstenir à l’avenir de toute démarche similaire, sous peine d’amende.
La limite entre la simple inspiration et le plagiat est ainsi très mince, et souvent à la très libre appréciation du juge. Ceci crée une certaine insécurité en la matière, tant pour les artistes renommés vis-à-vis de leurs oeuvres que des artistes en devenir. Un constat pourrait être posé, sans pour autant avoir quelconque valeur jurisprudentielle : l’artiste rendant hommage ne cache pas honteusement l’identité de son homologue admiré, au contraire de l’artiste plagiant qui prendrait à son compte l’oeuvre des autres de façon plus ou moins cachée.
Solène Hamon
[1] ENTRIALGO Frédéric, « La notion d’auteur comme objet de l’art : Copie, plagiat et originalité« , Articule, 2004
[2] DELAVAUX Céline, VIGNES Marie-Hélène, « Les Procès de l’Art : Petites histoires de l’art et grandes affaires de droit« , Editions Palette …, 2013
[3] AHLBERG Ole, « La Reproduction interdite« , 20×16, Kunstgalleriet, Danemark, 2008