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Paris risqué

eiffel-tower-953590_1920Par la loi du 17 mars 2014, le législateur français a ouvert la procédure d’opposition auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI) en matière de marques aux collectivités territoriales, pour autant que la marque en cours de dépôt porte atteinte à son nom, à son image ou à sa renommée. Cependant, à défaut de précision supplémentaire dans les textes, l’étendue de la protection conférée aux collectivités restait à appréhender. Un premier élément de réponse nous a récemment été apporté par l’INPI.

Tout d’abord, qu’entend-t-on par « collectivité territoriale » ? Ce terme regroupe les communes, départements, régions et collectivités d’outre-mer qui, bénéficiant de la personnalité juridique, sont recevables à agir en justice. C’est ainsi que les communes de Laguiole (pour des couteaux) ou de Saint-Tropez (pour des préservatifs) ont eu l’occasion de s’opposer au dépôt de leur nom à titre de marque. Cette fois-ci, ce fut au tour de la ville de Paris, relativement à son secteur phare, la mode.

Ah Paris… La Seine, les terrasses, la mode… Et la protection assidue vis-à-vis de l’usage de son nom. La collectivité était ainsi opposée à la demande d’enregistrement de la marque « PARIS BY PARIS » pour désigner des chaussures, vêtements et autres chapeaux (classe 25 de la classification de Nice).

Il est à rappeler que l’INPI exigeait déjà, pour toute marque déposée en classe 25 contenant le terme « Paris », et ce même à titre accessoire, que le libellé contienne la mention d’une origine ou d’une fabrication française du ou des produits qui s’y rattachent.

Dans le cadre de l’opposition suscitée, l’Institut relève que l’élément « BY » figurant au sein du signe déposé renvoi nécessairement à l’origine commerciale du produit, en l’occurrence la ville de Paris. Il rappelle par suite que la procédure d’opposition ne peut aboutir qu’en présence d’une atteinte au nom, à l’image ou à la renommée d’une collectivité territoriale, atteinte n’étant constituée « que pour autant que celle-ci établisse que l’enregistrement du signe peut entraîner un risque de confusion avec ses propres attributions ou est de nature à lui porter préjudice ou à porter préjudice à ses administrés ».

L’atteinte était-elle constituée ici ? Absolument selon l’INPI : au vu des éléments de preuve apportés par la collectivité, il semble évident que la ville de Paris dispose d’une renommée dans le secteur de la mode, notamment parce qu’elle « intervient activement dans le secteur de la mode et utilise son nom pour encourager et promouvoir la création, le développement et la diffusion des œuvres de mode, par le biais de ses institutions et organismes dédiés, ainsi que par des opérations de communication et partenariats avec des acteurs spécialisés ».

Dès lors, le public était « susceptible d’être trompé sur la provenance des produits en cause ou sur l’apparence de garantie officielle de ces derniers », constitutif d’une atteinte aux intérêts de la collectivité. Le rejet de la demande d’enregistrement a donc été prononcé.

Néanmoins, cette décision ne condamne pas entièrement l’enregistrement de marques comportant l’élément « Paris » : la collectivité devra nécessairement démontrer une atteinte à ses intérêts, atteinte qui résultait ici des faits d’espèce, c’est-à-dire du secteur considéré et de l’usage de l’élément « BY », qui dénote une origine particulière du produit. Il n’est pas assuré que la solution eut été la même en l’absence de ce terme. L’espoir est donc toujours permis !

Alexandre Sainz