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Peut-on déshériter son enfant ?

Peut-on déshériter son enfant ?A la suite d’une dispute, d’une trahison ou d’une déception, il peut être tentant pour un parent de déshériter un ou plusieurs de ses enfants. Or, le Code civil pose des amortisseurs à cette volonté, empêchant la suppression totale de l’héritage.

Le Code civil distingue la réserve héréditaire et la quotité disponible.

La réserve héréditaire est la part des biens et droits successoraux dont la loi assure la dévolution libre de charges à certains héritiers (les héritiers réservataires). A l’inverse, la quotité disponible est la part des biens et droits successoraux qui n’est pas réservée par la loi et dont le défunt a pu disposer librement[1].

La réserve héréditaire ne peut être inférieur à[2] :

  • 50 % des biens du parent s’il a un enfant ;
  • 66 % s’il a deux enfants ;
  • 75 % s’il a trois enfants ou plus.

Ainsi, si le patrimoine du parent est constitué d’un ensemble de bien valorisé à 100 000 € et qu’il a 3 enfants, ces derniers sont surs de se partager au minimum 75 000 € (75 % de 100 000 €). La dévolution du reste de la somme (soit 25 000 €) reste à la libre appréciation du parent, qui peut en faire également profiter ses enfants ou se choisir d’autres héritiers.

Les conflits familiaux étant parfois durables et tenaces, des parents, accompagnés d’avocats et notaires, ont cherché le moyen de contourner les règles de la réserve héréditaire posée par le Code Civil.

Plusieurs techniques ont été développées. En voici un panorama non exhaustif.

Une technique consiste pour le parent à vider son patrimoine afin qu’à sa mort, celui-ci soit fortement diminué rendant peu importante la part de la réserve héréditaire.

Par exemple, le parent qui souhaiterait déshériter l’un de ses enfants au profit d’un autre peut vendre en viager son habitation à l’enfant qu’il souhaite, diminuant en conséquence la valeur de son patrimoine. A son décès, l’enfant avec lequel a été conclu le viager sera propriétaire du bien, qui ne rentrera pas dans la succession et qui ne sera pas pris en compte dans le calcul de la réserve héréditaire.

Une autre méthode peut consister en la création d’une société civile immobilière (SCI) avec l’un de ses enfants puis l’apport du bien immobilier à cette société. Lorsqu’aux statuts de la SCI est prévue une clause tontine, clause qui prévoit que l’intégralité des parts de la société appartiendront au dernier survivant, la transmission peut se faire à moindre cout et défavoriser l’enfant non associé de la SCI, dont le patrimoine issu de la réserve héréditaire se trouve amputé du bien apporté.

Conscient de ces tentatives de fraude à la loi, les services fiscaux sont particulièrement vigilants et vont chercher à connaître l’objectif de l’opération juridique réalisée (l’opération avait-elle un but autre que diminuer la succession d’un des enfants ?).

Parallèlement à ces techniques juridiques, d’autres méthodes existent, notamment celle de l’expatriation.

Depuis son entrée en vigueur le 17 Aout 2015, un nouveau règlement européen[3] prévoit que la loi applicable à l’ensemble de la succession est la loi de l’Etat dans lequel le défunt a sa résidence habituelle au moment de son décès, même s’il s’agit de la loi d’un Etat non-membre de l’Union européenne ou avec lequel le défunt présentait des liens manifestement plus étroits.

Le règlement donne également la possibilité au défunt de choisir la loi d’un des Etats dont il possède la nationalité.

Ce règlement ouvre ainsi de large possibilité pour « échapper » aux lois successorales française et déshériter un ou plusieurs de ses enfants, en faisant prévaloir les loi successorales d’un pays ne prévoyant pas la réserve héréditaire (Par exemple, Angleterre ou Irlande).

Alexis Dana

 

 

[1] Art 912 du Code Civil

[2] Art 913 du Code Civil

[3] Le règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012