Conseil d’État – 10e/9e ssr – 19 novembre 2014 – 358734
A écouter les rumeurs, nous aurions pu penser à une prochaine réforme du système français de la rémunération pour copie privée (ci-après la « RCP »). Or un arrêt du Conseil d’État en date du 19 novembre 2014 semble avoir mis un terme aux idées d’une réforme substantielle en validant le dispositif et plus particulièrement les barèmes adoptés.
L’article L.311-1 du Code la propriété intellectuelle prévoit pour les auteurs dont les œuvres sont fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ou sur tout autre support licite, une rémunération en contrepartie de cette reproduction. La RCP n’est due que sur les supports acquis à des fins privées et non pour des usages professionnels. Peu importe la qualité de l’acquéreur car c’est l’usage du support qui est ici pris en compte. L’acquéreur doit cependant être informé de cette rémunération lorsqu’il acquiert le support.
Tant les cassettes audio et vidéo, les CD et DVD vierges, les cartes mémoires, les baladeurs MP3, les disques durs externes, les disques durs intégrés à un téléviseur, les magnétoscopes numériques, les clés USB, les cartes mémoire vendues en association avec les téléphones portables, les tablettes ainsi que certains GPS sont soumis au paiement d’une telle redevance. Sont toujours exclus, et ce de façon critiquable, les ordinateurs et « mini-ordinateurs individuels » comme le confirme de façon (trop) lapidaire la décision commentée.
C’est une Commission ad hoc qui est en charge de déterminer le montant de la rémunération due.
Dans cette affaire, était en cause la décision du 9 février 2012 de la Commission relative à la rémunération pour copie privée (ci-après la «Décision n°12 »). Était concernée en l’espèce la tablette tactile multimédia avec fonction baladeur et système d’exploitation pour terminaux mobiles et d’exploitation propre jugée redevable de la rémunération pour copie privée.
Or, à la demande de différents syndicats et entreprises de l’univers musical, le Conseil d’État s’est prononcé sur la légalité de cette décision et notamment sur le montant de cette rémunération qui est en France presque 5 fois plus élevée que dans le reste de l’Europe. Si sur le principe même de la rémunération pour copie privée, le Conseil d’État n’apporte pas de nouveauté, il en profite pour préciser le régime et la qualification de cette rémunération.
En effet, la rémunération pour copie privée ne saurait être vue comme un prélèvement obligatoire de nature fiscale. Elle est par ailleurs due quand bien même les auteurs d’œuvre fixée ont autorisé la reproduction. La rémunération a en effet pour but de réparer le préjudice des auteurs du fait de l’introduction de l’exception pour copie privée. Cela permet un juste équilibre entre l’accès à la culture et la rémunération des artistes. Il convient de noter au passage que 75% des sommes collectées sont attribuées à la rémunération des artistes et 25% pour l’aide à la création artistique en vertu d’un dispositif validé par la Cour de Justice de l’Union Européenne en juillet 2013 (CJUE, C-521/11 Amazon.com International Sales e.a)
Le problème de base de cette décision se pose sur la détermination du montant de la rémunération. En effet, le Conseil indique qu’il convient pour cela de se baser sur la capacité technique du matériel, le type d’usage qui en est fait ainsi que sur des enquêtes et sondages.
Le Conseil d’État valide ainsi le barème adopté en écartant l’argument de la répercussion des ces rémunérations élevées sur le consommateur finale et donc in fine sur l’accès à la culture.
Cette décision apparaît bien critiquable et notamment par l’absence de réelle justification quant au montant de la rémunération adopté. D’autres aspects de la rémunération pour copie privée sont à revoir si bien entendu le principe même d’une telle rémunération n’est pas critiquable. La Commission tout d’abord est composée de 24 membres dont 12 représentants des ayants droit, 6 des consommateurs et 6 des industriels. Les ayants droit sont donc en majorité et en force pour faire valoir leurs intérêts. C’est en critiquant ce dispositif que l’UFC Que Choisir a décidé de quitter et de ne pas réintégrer la Commission et réclame avec insistance une modification sur ce point. Enfin, la rémunération est soumise à la TVA et l’État perçoit un bénéfice conséquent du fait de ces barèmes élevés (en 2013 c’est 208 millions d’euros qui ont été prélevé au titre de la RCP).
L’Assemblée a indiqué qu’une mission d’information serait lancée sur ce point.
Patience lecteur nous n’aurons des résultats que l’été prochain pour les 30 ans de la Commission…
Camille Rideau – Brigitte Spiegeler